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tère. La femme ne sent pas ce qu’il a de terrible pour l’esprit qui, bientôt peut-être, en sera élargi, mais qui d’abord en est comme annihilé. Il y a là une douleur d’enfantement qu’elle semble ignorer. Peut-être a-t-elle, à chaque rencontre nouvelle, le sentiment immédiat et rassurant de l’unité profonde des âmes. Elle laisse ses eux jouir de l’aspect nouveau, et le sourire de son esprit caresse l’étranger, comme sa main caresse l’animal mystérieux et familier. Elle est une de ces fleurs qui surnagent sur les eaux, imagination flottante et tranquille, espoir toujours ouvert.

Et elle manifeste des admirations faciles, et elle exprime d’enfantines explications qui nous font sourire d’abord. Mais les mots souvent répétés prennent pour l’homme aussi force d’idées, et elle nous accoutume au monstre, nous fait croire avant l’heure que nous avons compris. La femme est l’ennemie du doute provisoire, et sa rapide intuition qui devine et qui se trompe au petit bonheur, mais qui affirme, toujours décisive, nous pousse, nous bouscule, rend impossible la sage suspension du jugement. Quand il s’agit de doctrines abstraites, elle nous suit : les bas-bleus d’aujourd’hui ont pour le pessimisme la tendresse des esthètes de la précédente génération. Quand il s’agit de personnes ou d’objets lointains, elle nous précède, nous appelle, nous attire à ses préférences.