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devient un homme. Puis, — car les siècles sont plus longs qu’on ne pense , — il vieillit, grincheux et chicanier, avec Voltaire. Le siècle suivant est une femme : capricieuse et sensible avec Rousseau, cynique et sentimentale commère avec Diderot, vieille attendrie avec Michelet, et qui retombe en enfance dans les éblouissements baveurs et vagissants de nos petits naturistes. Il ne serait pas difficile de relever chez Mme Fréhel d’innombrables mouvements à la Michelet ou à la Diderot, et qui pourtant ne sont point imités. Car la grande avidité à boire la vie, et l’ivresse joyeuse au commencement de la coupe, et l’écœurement lorsqu’on rencontre la lie, toutes ces sensibilités et ces passivités ne frémiront nulle part plus poétiques que dans quelques livres de femmes sincères. Nous les avons déjà rencontrées singulièrement émouvantes dans la Fée des chimères et dans Cœur d’enfant. Mais, tandis que Max Lyan nous attendrit toujours par sa douceur résignée et par son effort à « se contenter des à peu près », Jacques Fréhel sort de la douleur d’aimer frémissante de toutes les révoltes et criant avec amertume « le malheur d’être femme ». Pourtant, après des sursauts plus violents, elle se reprend aussi ; elle aboutit, par un chemin plus long et plus cahoteux, à la même philosophie courageuse et à demi désenchantée, à la même constatation que la vie ne donne