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masculine ; mais je ne connais pas de livre qui le proclame aussi nettement que l’Inévitable Mal. Je suis reconnaissant à Mme Rose Romain d’avoir crié bien haut son âme absurde et sincère.

En dehors de la Colère de Samson, la misogynie n’a guère inspiré de chef-d’œuvre. Les vers pour lesquels les femmes d’Aristophane fouettent Euripide ne sont point les meilleurs du tragique inégal. Les plaisanteries de La Fontaine, rarement amusantes, sont parfois odieuses. La Colère de Samson doit sa beauté non seulement à l’âpre sincérité de Vigny et à la puissance ordinaire de son verbe, mais encore à l’héroïsme du poète qui pousse le cri d’angoisse et à tout ce qu’il y a de souffrance d’amour en cette haine vigoureuse. Celui-ci a été déçu dans ses noblesses, non dans ses égoïsmes. Rose Romain est malheureusement une souffrante sans stoïcisme, sans grandeur et sans art. L’âme qui se lamente ici n’est intéressante que parce qu’elle souffre : il semble qu’il n’y ait ni esprit ni cœur ; une sensibilité dolente seulement et, avec, la banalité de tous les bons sentiments appris. Incapable du moindre mal, capable du seul bien ordinaire et sans élan, une passivité qui se révolte, émouvante comme un chien qui pleure. Certes, c’est quelque chose, c’est beaucoup plus que toutes les habiletés et tout le métier du monde, puisque, si petite soit-elle et si égoïste, on nous montre