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l’ambition du bas-bleu est la même que celle de l’enfant : il veut faire l’homme.

Le hasard eut pour moi quelque attention malicieuse : il diversifia mon supplice, me fit rencontrer trois variétés assez distinctes de l’écœurante espèce.

Paul Georges est le bas-bleu naïf et petite fille. Les premières minutes, on éprouve je ne sais quel puéril et rafraîchissant plaisir à l’écouter balbutier, et blaiser, et bégayer, et zézayer. Mais il dure des heures, ce bavardage enfantin auquel, d’abord, on sourit ; et on se sent noyé sous un flux lent d’ennui et d’ensommeillement.

Jean Laurenty est le plus ridicule et le plus fanfaron des bas-bleus. Elle veut conquérir notre admiration en faisant étalage de pensée et d’indépendance. Elle essaie le tour de force, elle se baisse pour soulever des poids de cinquante et de cent kilos, ne soulève rien, ne se relève même pas. Toute courbée, la main prise dans l’anneau, le corps prisonnier de la pesanteur, l’inconsciente croit au résultat parce qu’elle sent la fatigue, et elle réclame « un petit bravo, pour encourager l’artiste. »

Paul Junka est ce qu’il y a de mieux dans le genre : le bas-bleu qui a presque du talent.

Et les trois se ressemblent étrangement, frères de laideur.