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il détruit un philosophe. Et l’empereur qu’il est ne fait pas moins de mal qu’un autre. Il persécute les chrétiens. Il tue la douce Blandine. Sur ce stoïcien infidèle doit retomber le mot d’une autre de ses victimes. Le martyr Attalus, assis sur un siège de fer rougi, pendant que sa chair cuisait et fumait comme la viande d’un gibier, appelait les bourreaux : « mangeurs d’hommes. »

La politique a tué en Marc-Aurèle toute liberté éthique. Il ne peut plus que souffrir et se désespérer : « Ô mort, ne tarde plus à venir, de peur que j’en arrive, moi aussi, à m’oublier. » La mort tarde, même après qu’il s’est oublié et probablement il résout le problème de façon peu élégante, en s’abstenant de nourriture jusqu’à ce qu’il n’y ait plus ni les ruines du philosophe ni le triomphant et mélancolique empereur[1].


  1. J’ai étudié plus longuement Marc-Aurèle dans le troisième chapitre de Les Apparitions d’Ahasvérus.