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ressort et gloutonne comme un fauve. On est tenté d’affirmer qu’il ne saurait y avoir individualisme là où il n’y a pas respect de tous les individus. Celui qui à un seul être — l’Unique, dit Stirner — sacrifie tous les autres, on préférerait le nommer, s’il reste peu actif et peu malfaisant, égoïste. Dès qu’il est avide, conquérant, brutal et autoritaire, il devient un doministe, allié nécessaire des servilistes, maître appelé par les bêlements du troupeau et qui appelle le troupeau.

Le véritable individu, celui qui, par chacune de ses pensées, chacune de ses paroles et chacun de ses gestes, se proclame homme libre ; celui qui dit à son frère : « Tu es libre, si tu veux l’être » ; repousse également servilisme et dominisme. Ces deux systèmes n’ont plus de sens pour qui échappe ensemble à la lâcheté de s’incliner devant des maîtres et aux besoins lâchement serviles qui font désirer la domination. Servilisme et dominisme lui paraissent, avers et revers, la même médaille infâme ; les mensonges inscrits aux deux faces d’une même monnaie sociale et banale ; les corollaires d’une même convention ridicule et odieuse. À celui qui, écoutant joyeusement le grand langage humain, ne voit plus dans la nature des maîtres et des esclaves, mais des individus inéga-