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pattes ; et il me semble que je réussis à striduler un vague : « Au secours » !

Quelques fourmis approchent. J’essayai de répéter mon cri, de renouveler aussi l’appel de mes pattes. Mais la nouveauté de l’espoir m’était plus paralysante que tout à l’heure le désespoir. Peut-être aussi un seul effort suffisait-il à m’épuiser pour des heures.

Je mourais de faiblesse et d’attente. Ma volonté à demi éteinte s’usait toute à me conserver un reste de sentiment et à me faire voir un peu ce qui se passait autour de moi.

Maintenant les pensées ne couraient plus rapides chuchoteuses inclinées. Elles étaient toutes, femmes debout et fourmis allongées, groupées sur moi. Leur poids immobile me faisait, semblait-il, descendre, sans secousse, sans autre douleur que l’horreur de glisser dans l’inéluctable, le long d’un abîme sans fond. Choses et êtres réels s’éloignaient lentement, implacablement, et c’est comme penché sur le bord du gouffre que je voyais les cadavres rigides et les herbes émues par le vent. Du milieu d’un songe qui, sans doute, ne finirait jamais, je regardais aussi s’agiter mes amies là-haut, sur l’étrange plateau d’une vie que j’avais connue.

Elles allaient et venaient dans un espace restreint, comme enfermées, trépidantes d’une insurmontable hésitation. Et leurs antennes se rencontraient