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XIV

Combien dura mon anéantissement ? Je l’ignore.

Le premier souvenir que je retrouve est lugubre.

J’entends des harmonies tristes mortellement, et mes yeux commencent à voir comme à travers une brume.

Un de nos soldats géants me tient, délicatement, dans ses formidables mandibules. Il me porta. Où ? pourquoi ?

Sa marche est lente, comme accablée.

Dans les sursauts, je crois apercevoir derrière lui une foule d’ouvrières qui marchent sous la même tristesse. Ce sont elles, sans doute, qui stridulent les mélodies funèbres.

Tout m’étreint. Dans ma terreur impuissante, il me semble que l’horrible promenade dure, interminable, des heures peut-être.

La première pensée qui se dessine en moi un peu précise, dit : « Si j’étais encore homme, je croirais assister à mon propre enterrement ! »

L’étrange promenade lente et triste s’arrête. Les musiques prennent une force plus grave, d’une