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sommeillaient leur mort provisoire dans un somptueux cercueil de soie. La plupart n’avaient que de minces langes, attendaient la vie, roulées dans la pauvreté nue d’un linceul. Leur forme était déjà la nôtre. Mais pattes, palpes et antennes étaient repliées, appliquées contre le corps, et l’être tout entier était d’un blanc mou. Quelques ouvrières aux mouvements rares, lents et silencieux — telles des sœurs de charité dans un hôpital — surveillaient leur immobilité. L’une d’elles revenait de visiter un cocon. Elle frappa les antennes de deux ou trois amies et elles allèrent à ce cocon.

Elles l’examinèrent longuement. Elles cherchaient, sans doute, la place la plus mince. Arrachant quelques soies, elles l’amincirent encore. Le tissu était enchevêtré et difficile à rompre. Elles pinçaient et tordaient. Un petit trou fut percé ; puis, tout voisin, un second ; ensuite un troisième.

Aristote m’expliquait leurs opérations ; et ce que j’appellerai, faute du mot exact, l’accent de ses antennes était approbateur. Mais tout à coup elle dit :

— Les maladroites !

En ce moment, elles essayaient d’agrandir les ouvertures en tirant la soie comme une étoffe qu’on veut déchirer. Longtemps, mon amie les regarda avec des airs ironiques, s’épuiser en efforts inutiles. Quand elle vit qu’elles n’abandonneraient pas