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IX

La fatigue mauvaise du 11 avril, causée par des phénomènes miraculeux et affolants, avait été suivie d’un sommeil long, agité, emporté en des vertiges sur des nuages de cauchemar qui tout à l’heure vont s’entr’ouvrir, se dissoudre, me laisser tomber. La fatigue saine du 12 avril, fatigue naturelle de la joie et du travail, me procura un bon sommeil sans rêves qui, en peu d’heures, me rendit toutes mes forces. Je m’éveillai, heureux d’un bonheur sans fièvre et sans étonnement.

Dans la galerie supérieure, je rencontrai Aristote, éveillée des premières. Elle me dit un bonjour amical. Et voici que je fus triste en lui rendant sa caresse antennale. Ma pensée d’homme se réveillait aussi. Et elle réclamait cette joie inconnue des fourmis ouvrières, cette satisfaction d’un besoin qu’elles n’ont pas : un amour. Le vilain homme écrasant me piétinait le cerveau gauche. Et il disait : « Aristote n’est pas une femelle, et tu n’es plus un mâle. Vous êtes deux neutres qui ignoreront