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antennale ne sera jamais exprimée par de la pensée vocale ni la pensée vocale par la pensée antennale. Et les paroles de fourmis que j’ai rapportées ou que je rapporterai doivent être considérées comme les grossiers symboles d’une réalité inexprimable pour nous.

La fourmi qui m’avait amenée déraciner le ver de terre allait devenir ma meilleure amie. En revenant au nid après la difficile besogne où elle avait montré tant d’intelligence, de décision et d’activité je me sentais entraînée vers cet être supérieur et timidement je lui demandai son nom. Vous comprenez bien que je ne puis pas vous répéter le véritable nom, que je ne puis plus me le dire à moi-même, que je ne puis le penser, maintenant que je n’ai plus d’antennes. Ce n’est pas tout à fait au hasard que je la nommerai. Je lui donnerai le nom que, dans la fourmilière, lui prêtait déjà ma pensée d’homme. Je l’appellerai Aristote.

Pourquoi ?

« Aristote » est un mot humain, une pensée vocale, que l’image antennale de mon amie évoquait régulièrement en l’être double et monstrueux qu’était mon esprit. Le vrai nom se composait de quatre attouchements. Le dernier, plus faible que les autres, avait une vague analogie avec vos syllabes muettes. La grande sagesse de mon amie, sa conversation nourrie de faits et toujours péné-