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grondante d’une locomotive et la prière de sainte Thérèse se ressemblent plus que les deux pensées déchirantes que je portais en moi.

Supposons, cependant — hélas ! je crois bien que je ne conçois pas ce que je vais dire, je crois bien que je vais écrire des mots vides de sens — supposons que Dieu puisse ramener une pensée d’homme et une pensée de fourmi à l’unité. Même alors, il ne pourrait pas, dans l’expression, reproduire le miracle de cette unité ; il ne pourrait pas trouver un mouvement d’antennes qui correspondît exactement à une parole.

Le langage par gestes, tant qu’il reste naturel et spontané est, dans sa pauvreté, ce qui ressemble le plus au riche langage antennal. Essayez de traduire par des mots le sens d’un geste naturel. Plusieurs versions seront possibles. Donc aucune n’est absolue.

Le langage des sourds-muets se traduit facilement en paroles, parce qu’il est un artifice qui gesticule de la parole décomposée en lettres ; il est de la parole écrite sur l’air, comme une missive est de la parole écrite sur du papier. Il est, malgré la première apparence, de l’analyse vocale. Il n’est pas une traduction spontanée de la pensée.

La traduction spontanée d’une pensée est l’expression nécessaire de cette pensée. Elle est la pensée même, la pensée en mouvement. La pensée