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tels des doigts grêles et très inégaux. Les deux palpes extrêmes, les palpes maxillaires, très longs, s’agitaient presque comme des antennes, tandis qu’entre eux, les deux petits palpes labiaux frémissaient plus lents. Et les joies que j’aspirais par ces quatre siphons, je ne puis les dire, je ne puis même les rappeler. Ces minces organes cachés sous la bouche sont le siège de sens inconnus de l’homme. Je me souviens, comme en un rêve vague, qu’ils m’apportèrent souvent des voluptés paradisiaques, parfois d’infernales tortures. Revenu sur la terre, je ne retrouve rien des plaisirs et des souffrances d’un monde trop différent.

Après quelques regards à mon front, à mes joues, à la plaque immobile qui recouvre la bouche et que les savants nomment l'épistome, je m’éloignai du miroir liquide et j’examinai directement mon thorax et mon abdomen. L’abdomen était d’un ovale très pur. Il comprenait cinq anneaux emboîtés les uns dans les autres et légèrement mobiles. L’élégance allongée du thorax me fut un sourire de beauté, mais j’examinai longuement le mystère de mes pattes.

J’aimais mes griffes si promptes à s’accrocher, si habiles à gratter la terre et à rejeter les déblais, si fortes à retenir une proie, si adroites à attirer un objet utile, à écarter un obstacle. Aux pattes antérieures j’étudiai le peigne arqué qui servait à nettoyer mes antennes, à lisser mes poils, à faire la