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Mon sommeil, très long, traversa toute l’après-midi, puis toute la nuit. Il dut être d’abord un tunnel profond, sourd et aveugle comme une mort. Mais ensuite il remonta vers la vie, et son opacité insuffisante, crevée de jours de souffrance, fut pénétrée par d’étranges lueurs de cauchemar.

Je retrouve un des songes qui me poignardèrent comme des lames de lumière. Je retrouve celui-là, parce qu’il me frappa bien des fois encore pendant l’année ; parce que ma veille aussi fut souvent blessée de la même peine.

Je me sentais étourdi. Tout le côté gauche de ma tête semblait pris sous un écrasement. Au milieu — comme si en ce point deux êtres se chicanaient, deux écoliers hostiles l’un à l’autre et qui, en se cachant, se poussent, s’efforcent de conquérir sur le voisin un peu de place — une torture bousculante.

J’essayais de voir ce qui se passait dans ma tête. Je comprenais bientôt : je souffrais de la dualité de ma pensée. Et deux images surgissaient simultanées