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que je suis lasse ! J’ai besoin de sommeil. Ne sens-tu pas que cette veille dans un monde hostile d’inconnu est une agonie à laquelle je ne résiste plus ? Grâce ! grâce !

Mais je n’avais plus d’organe pour dire des mots qu’elle pût entendre.

Mes antennes, avec quoi je parlerais désormais, à condition de rencontrer d’autres antennes, s’agitaient désespérées. J’eus une inspiration bizarre et, quoique elle me semblât absolument folle, je la suivis. Dans la prairie qu’était pour moi cette main, je choisis deux herbes parmi les plus souples et, comme si elles étaient des antennes, je leur dis ma souffrance et mon désir. Les fées, sans doute, sont en rapport avec tous les mondes et savent tous les langages. Les deux poils firent, en effet, fonction d’antennes, me répondirent, à peu près :

— Va, ma pauvre amie.

Et la force méchante qui me retenait se détendit, se dissipa.

Je courus, fuyant l’univers fou. D’un grand élan, j’entrai dans la fourmilière. Sans rien regarder, je m’enfonçai en un coin bien obscur, je tombai, je m’endormis.