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ramener à quelques couleurs fondamentales, j’ai examiné l’arc-en-ciel, je n’ai jamais pu y compter moins de vingt couleurs. Cette richesse extrême est-elle donnée à l’insecte par la partie inconnue de son domaine ou est-elle produite par une sorte d’analyse fécondante ? Pour lui y a-t-il une douzaine de couleurs ultra-violettes ou la région bleue du spectre, par exemple, se divise-t-elle en quatre ou cinq couleurs ? Je n’ai aucun moyen de résoudre le problème : j’ignorerai toujours si, au pays des couleurs, la fourmi connaît de vastes et nombreuses terres où votre œil ne pénétrera point, ou si elle prend pour des royaumes telles étendues qui vous semblent de simples provinces.

On devine sans peine que le brusque changement de proportion des êtres et des choses devait peser sur moi comme un affreux cauchemar. La baguette sur laquelle je m’agitais était pour mes yeux un énorme tronc d’arbre. La fée dont j’admirais tout à l’heure la sveltesse, était devenue une montagne informe. Elle me permit de me promener sur sa main. Un fin duvet, que mes yeux d’homme n’avaient pas aperçu, se hérissait comme les hautes herbes d’une prairie et les pores s’enfonçaient, trous disgracieux, dans les soudaines rugosités de ce grossier terrain. Une autre montagne était auprès, et je me dis : « C’est mon remplaçant ! » Je supposai qu’il portait mes vêtements, et j’étudiai