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Il y a des rapports entre les sensations de l’homme et les sensations de la fourmi que je ne pouvais deviner, que je connais seulement par des expériences faites, depuis que je suis redevenu homme, sur mes amies d’un an. Je sais aujourd’hui, comme d’autres entomologistes, que, le vert et le jaune exceptés, toutes les couleurs du spectre humain affectent la rétine des fourmis. Mais je sais aussi, ce dont ils ne se doutent guère, qu’elles l’affectent tout autrement que notre rétine. Le violet, l’indigo, le bleu, l’orangé et le rouge sont des couleurs pour la fourmi comme pour l’homme. Mais la fourmi ne voit aucun objet violet, aucun objet indigo, aucun objet bleu, aucun objet orangé, aucun objet rouge. Au cours de mon récit, il m’arrivera peut-être d’indiquer une couleur avec les noms que vous employez, de dire, par exemple, que l’amazone est une fourmi rouge. Mais, sous ma plume, le mot rouge désignera les rayons causes communes de deux sensations irréductibles et non l’inexprimable vision de mes yeux de fourmi. En outre, les rayons ultra-violets que l’œil humain ignore créent pour la fourmi de nombreuses couleurs que je ne saurais indiquer d’aucune façon.

La seule chose exprimable, c’est que l’univers coloré de la fourmi est plus varié et probablement plus vaste que l’univers coloré de l’homme. Les nuances y sont innombrables et, quand, pour les