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empesté par la violente odeur humaine. Nous nous sentions affaiblies, presque malades, et nous ne philosophions plus. Aristote était si furieuse qu’elle m’aurait battue, si j’avais persisté à plaider la cause de la montagne qui marche sur deux pieds. Nous passions ces longues journées inactives et ces interminables nuits suffocantes, sans sommeil, à maudire la cruauté ou l’inconscience de notre bourreau.

Un mal commença à sévir, désagréable et dégoûtant d’abord et qui bientôt devint en outre dangereux. Parmi les animaux qui vivent dans les fourmilières, se trouvent des parasites supportés parce qu’il serait long de s’en débarrasser et qu’après tout ils ne causent aucun dommage sensible. Des acariens — il me déplaît d’écrire le nom vulgaire et d’avouer que j’aie jamais eu, même en dehors de la vie humaine, des poux — des acariens de diverses espèces se promènent librement dans nos galeries et, de temps en temps, s’attachent à l’une de nous pour boire une goutte de sang. Ces petits êtres vivent de peu et ne nous incommodent guère. Leur légère piqûre est un chatouillement presque agréable, pourvu qu’il ne se renouvelle pas trop souvent.

Mais, dans les conditions anormales où nous vivions maintenant, les acariens se multipliaient jusqu’à former une gêne et un péril. La bouche surtout et les antennes de la plupart de nos camarades