Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle fronça le sourcil, marcha sur moi, impérieuse, dominatrice. À cet instant, sa beauté intimidante et absurde me fit songer ces mots : « une reine folle ». Toutefois, elle souriait de nouveau, avec une indulgence qui eût dû m’offenser, quand elle répondit :

— Les fées sont des grammairiennes logiques. Elles n’emploient pas le pluriel en s’adressant à un seul. Si ça te blesse en français, je te parlerai latin.

Elle étouffa un rire et, plongeant sa grande taille dans une révérence moqueuse, elle dit :

Salve, prœposite publicis tabulis exator. Puis, se redressant, la physionomie très amusée :

— Il y a des titres un peu grotesques… quand on les traduit.

J’étais écrasé de stupeur. Elle parut flattée de mon silence admiratif. D’une voix qui n’était presque plus insolente, elle expliqua :

— Respectable receveur de l’enregistrement, je n’eus jamais l’intention de t’offenser. Au contraire je voulais te remercier de n’avoir pas nié mon titre de fée, comme font tous les imbéciles que je rencontre.

Son sourire devint aimable. Sa beauté écrasante se recouvrit comme d’une séduisante joliesse. Ainsi se transfigurent, dans la joie d’amour, cer-