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J’essayai d’expliquer que l’homme s’exprime surtout par des sons.

Mais Aristote se moqua :

— Allons donc ! c’est un être de silence. Je n’ai jamais entendu une musique venir de lui.

— Sa musique est trop forte pour nos tibias.

— Trop forte ! Quelle est cette absurdité ! Quand nous entendons un bruit, si ce bruit vient à doubler, nous l’entendons deux fois plus.

— Pas toujours. Tu entends le bruit de tes dents qui coupent un épi. Quand l’homme, avec la grande mandibule artificielle dont il allonge ses pattes, coupe cent épis, tu n’entends rien. Tu entends îe pas d’une fourmi ; tu n’entends pas la marche de l’homme lourd.

Mon amie réfléchit un instant. Puis elle accorda :

— Tu as des idées singulières, dont quelques-unes pourraient bien être vraies. Mais tu pars d’une observation plausible pour rêver des folies maladives. Il n’est pas absolument impossible que cet être émette des sons inentendus de nos tibias. Mais combien le fait reste invraisemblable. D’ailleurs, nous savons la pauvreté du langage des sons et qu’il ne peut s’articuler. Et puis, vraiment, quelle apparence que cette masse lourde et informe parle, pense, ait une âme ?

— Elle en a une pourtant. Et, tandis qu’elle