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mon raisonnement. Mais bientôt ses antennes eurent un tremblement analogue à votre rire et elle affirma, avec conviction :

— Ce que tu viens de dire est trop subtil pour être vrai. Je repris :

— Ce que cet homme veut de nous, je crois le savoir. Et cette science me rassure. Nous souffrirons d’être captives. Mais il ne nous fera aucun autre mal. Il nous donnera à manger et nous soignera de son mieux, sans songer à dévorer notre chair ni à nous voler notre acide formique.

Elle protesta :

— Folle ! S’il était à ce point ami des fourmis, il ne nous enfermerait pas. Il ne nous eût pas capturées mais, voyant notre détresse, il nous eût apporté des provisions, en nous laissant jouir de l’herbe et du ciel.

Je répliquai :

— Je n’ai pas dit qu’il fût ami des fourmis. J’ai dit seulement qu’il nous soignerait le mieux possible.

— Mais pourquoi ? pourquoi ? Que peut-il vouloir de nous

— Il veut voir comment nous vivons, étudier nos actes, deviner notre intelligence, essayer de connaître une autre vie que sa vie.

Aristote eut un geste d’orgueil.

— Tu lui prêtes, dit-elle, une pensée bien puissante.