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un pays de famine, mais, pour cette raison même, éloigné de toute fourmilière, dépeuplé de rôdeurs carnassiers et où notre faiblesse serait à l’abri des attaques.

Nous allions commencer à creuser lorsqu’un homme vint, se pencha sur nous. Point de nid où s’enfoncer ; peu d’herbes et couchées sur le sol comme sur une tête d’homme de rare cheveux mouillés. Or l’horrible montagne qui marche sur deux pieds nous saisissait l’une après l’autre, nous enfermait dans une prison de verre.

Nous étions trop faibles, trop lasses, trop découragées, pour nous émouvoir beaucoup d’un nouveau malheur. Nous étions devenues, sous les coups répétés du destin, des proies indifférentes et immobiles. Seules, Aristote et Hannibal parurent, dès le premier moment de captivité, éprouver une vive douleur.

Mon cerveau gauche essaya de deviner ce que cet homme voulait de nous. Je ne sais pourquoi, je supposai qu’il nous ferait dévorer par des poules. Et je me réjouis presque, comme un homme ruiné qui rencontre une occasion de jouer. Si j’échappais aux becs meurtriers, je trouverais facilement ma vie dans la basse-cour.

Mes suppositions étaient fausses. L’homme nous transporta dans une grande pièce fermée et presque vide. Il y avait seulement — je me suis rendu compte de ces détails plus tard et surtout depuis