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me mis à la poursuite des scabrinodis. Ces êtres ignobles étaient lâches. Malgré leur nombre grouillant, ils s’enfuirent. J’eus le soulagement d’en atteindre plusieurs et de les décapiter d’un coup sec de mes mandibules indignées.

J’étais ivre de sang, ivre d’agitation, ivre d’horreurs. Je n’étais plus une fourmi ; j’étais un monstre : mon cerveau était un cinématographe où s’agitaient des scènes violentes ; mon corps était un élan agressif ; mes armes étaient des instincts de tuer. D’où vient que, dans cet état de folie, je songeai à Marie ? Tout de suite, son image exaspéra mon amour haineux et, puisque je ne pouvais la faire frissonner de plaisir, je voulus sentir entre mes membres furieux son corps qui pantelle et qui meurt.

Je revins au pied du gigantesque escalier, retrouvai l’entrée de la galerie qui, deux fois déjà, nous servit. Je l’ouvris de nouveau. Je courus au coin où Marie dormait. En silence, sans laisser à la pauvre femelle le temps d’un sursaut de réveil, je la saisis entre mes mandibules et, d’un seul coup, je tranchai le cordon nerveux qui unit la tête au corps. Puis, lentement, tremblant d’être surpris, je transportai le corps lourd qui frémissait vaguement, qui bientôt s’immobilisa, sinistre. Je le portai jusque sur le champ de bataille. Malgré l’invraisemblance, on croirait que la pesante pondeuse