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mouvements d’un fourmilière. Un doute m’était venu sur un détail affirmé dans ma brochure d’après un autre observateur. Je voulais vérifier et, en cas d’erreur, enrichir d’une note la seconde édition de ma Statististique des déprédations de l’aphœnogaster barbara à l’égard de nos blés.

Avec cette patience qui, au témoignage de Buffon, suffit à former le génie, j’examinais les prévoyants insectes. Tout à coup, sans que, du fond de ma préoccupation, j’eusse entendu le moindre bruit de pas, des paroles m’arrivèrent, étranges de sonorité douce, étranges de sens : « Bonjour, bonjour, disaient-elles. Je suis une fée ».

Mon esprit traduisit en grande vivacité : « Tu es une folle ». Je me sentais hostile à la nouvelle venue. Il y avait indiscrétion insolente à troubler ainsi mes travaux par des paroles mystificatrices. Et il m’était pénible, même dans la liberté d’une campagne déserte, d’être surpris couché sur le ventre par une femme qui, sans doute, ne comprenait rien aux exigences de l’observation scientifique.

Je me dressai, en une hâte, comme pressé par un aiguillon. D’une main rapide je secouai la poussière de mon pantalon. Et je regardai la fâcheuse.

Ses vêtements, en dehors de toute mode, draperies plus que robes, suivaient à grands plis jaunes les courbes de son corps. Un ignorant les