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et de sottise ! » Et cependant je suivais sa marche lourde, traîné après elle par l’indénouable lien d’un amour absurde et hideux.

Je me disais encore : « Même si j’avais les organes d’amour, cette ignoble pondeuse ne pourrait rien être pour moi. Un seul baiser féconde tout la vie de nos femelles, et elles ne subissent point deux fois l’approche du mâle ».

Malgré les raisonnements, calmants inefficaces, malgré toutes les laideurs de Marie, je ne pouvais m’éloigner de l’être qui avait eu des ailes, de l’être qui, une minute, avait connu l’amour.

Que n’aurais-je point donné en échange de l’émotion qui restait au trésor de sa mémoire ; qui, sans doute, avait ébloui tout son avenir, l’avait rendu incapable d’une autre pensée, l’avait enfermé en une éternelle extase !

En vain, j’essayais de boire cette consolation, la mémoire des caresses reçues et données par l’homme que je fus. Elles étaient de si vagues, et décevants, et fuyants souvenirs. Impuissantes à émouvoir mes organes actuels, elles étaient des nuits de regrets que n’illumine jamaiis l’éclair de la joie.

D’ailleurs, aux portes du passé inaccessible, se dressaient, gardiens farouches, d’étranges jalousies et d’étranges dédains. L’amour, me semblait-il, avait réjoui, dans ce paradis perdu, tous mes pauvres sens. Mais combien plus beau, le paradis