Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

être, pendant des années, les pondeuses servies de toutes, pour être les mères des générations et voir vos filles multiplier heureuses autour de vous. Restez pour être celles qui perpétuent la patrie.

Mais les femelles n’accordent pas grande attention à toutes ces antennes conseilleuses. Les mâles font des musiques d’appel charmantes et énervantes ; des musiques qui disent :

— Partons, partons pour l’amour libre et pour l’extatique mort !

Les stridulations des femelles répondent :

— Oui, partons. Aimons-nous dans le grand ciel. Qu’importé notre sort après la minute divine ! Mais les prudentes antennes reprennent :

— Les mâles sont des égoïstes. Ils sont également voués à la mort, qu’ils aiment ici, sous nos regards protecteurs pour vous, hostiles à ces parasites, ou qu’ils affrontent dans le lointain l’inconnu des périls. Vous, au contraire, si vous restez, vous êtes sauvées. Trop certains de périr, ces misérables veulent vous entraîner dans leur perte. Le baiser ne leur paraît bon que s’il vous est mortel. Aurez-vous la naïveté d’écouter l’égoïsme féroce des mâles ?

Et les sucs exquis emmagasinés ce matin dans notre jabot viennent gaver les femelles hésitantes. On essaie de les alourdir de nourriture, de les lier de souvenirs et de désirs gourmands.

Je suis auprès de Marie. Je la comble d’aliments