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XXIV

Le jour du drame d’amour est venu. Le troupeau des petits mâles élancés a été conduit dehors dans la vaste plaine qui entoure le nid, puis le troupeau des gigantesques et lourdes fiancées. Ces êtres, tout à l’heure dociles et stupides, s’agitent maintenant sous l’aiguillon du désir, enlevés par une soif d’azur. Leurs ailes frémissent pour l’envol. C’est là-haut, dans le bleu inaccessible aux ouvrières, loin de ces tortureuses, loin de la patrie méchante et étroite, loin des regards, qu’ils veulent monter pour le baiser ; là-haut, dans la patrie sans bornes de l’amour, dans le ciel pudique qui les cachera de son éblouissante immensité comme d’un manteau. Ah ! comme elle Jes soulève, la folie des ailes !

Les ouvrières s’efforcent de calmer cet instinct qu’elles ne comprennent point. Elles s’adressent surtout aux femellles. Leurs antennes ne remuent que pour de caressants conseils.

— Restez, disent-elles, restez pour vivre ; pour