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Mon père était mort intestat. Je pouvais, à ma majorité, réclamer mes droits. Je n’en fis rien. Je laissai ma bonne mère, tant qu’elle vécut, jouir de ce qui m’appartenait. Et même, mon frère Bienvenu et le mari de ma sœur Désirée ayant voulu demander le partage, je leur montrai ce qu’il y aurait d’inconvenance à une telle précipitation ; je leur dis combien nous y perdrions dans l’estime de nos compatriotes ; je leur fis remarquer que notre mère, très malade, n’avait plus que peu de temps à vivre. En un mot, j’usai de mon autorité d’aîné et de savant, contre mes intérêts. J’eus l’ennui de réussir. Si j’avais échoué, si ces mauvais fils avaient persisté, tout le pays, en les blâmant, eût vanté ma noble opposition, et j’aurais retiré plus d’avantages d’une belle action qui, précisément, ne m’eût plus rien coûté.

À huit ans, on me mit au collège (aujourd’hui lycée) de Digne. On me retira bientôt de cet établissement insuffisant, et j’ai fait la plus grande partie de mes études au lycée de Marseille. Je fus toujours dans les premiers de ma classe. Mais ma période brillante entre toutes fut celle de mes études de droit. Je fus reçu docteur avec cinq boules blanches. J’aurais voulu, après ces succès de bon augure, me livrer tout entier à la noble science de l’économie politique, la plus belle création des XVIIIe et XIXe siècles, celle qui nous vaudra l’estime de l’avenir. Mon patrimoine, trop réduit par le