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rangs menaçants fermait le passage. Sur l’arbre complètement abandonné et que l’ennemi ne pouvait plus secourir par aucune voie, nos ouvrières saisissaient les pucerons, les détachaient, les emportaient. On les installait sur l’écorce d’un arbre voisin de notre nid où bientôt, à loisir, on leur bâtirait de bonnes étables.

Quand le troupeau fut enlevé tout entier, Aristote courut faire abandonner le combat inutile. Nos soldats revinrent en bon ordre, sans être inquiétés.

Aristote affirmait que, si nous avions continué l’attaque, l’armée ennemie n’aurait plus guère tardé à fuir dispersée. Elle luttait uniquement, paraît-il, pour gagner du temps. Cependant, les autres lasius avaient barricadé leurs souterrains avec des mottes de terre et, mineurs rapides, ils creusaient à la hâte de longs tunnels pour installer au loin une nouvelle cité.

Cette opinion me paraissait bien extraordinaire. Le lendemain, j’eus la curiosité d’aller voir. J’approchais prudemment, prête à la fuite. Mais je voyageais dans une solitude. J’arrivai au nid des lasius, simple trou à ras de terre que ne protégeait aucun rempart. Une pierre, en effet, le fermait hermétiquement. Ma curiosité était bien forte. J’essayai de soulever la porte trop lourde. Puis, renonçant à cet effort inutile, je creusai à côté et j’entrai, toute tremblante, dans le piège effrayant.