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bons à domestiquer. On allait par bandes voir de loin le gros arbre riche dont les trésors appartenaient, hélas ! à des étrangers.

Le désir grandissait de posséder ces pucerons. Enfin nous priâmes toutes Aristote d’organiser, coûte que coûte, la conquête du troupeau.

L’entreprise n’était pas facile. Les pucerons passent les cinq sixièmes de leur vie à sucer la sève des plantes, leur trompe profondément enfoncée dans la feuille ou dans Pécorce. Détacher un puceron sans rompre sa trompe est œuvre de patience et de précaution impossible dans la bousculade d’un combat. Et, certes, ce n’est pas sans combat que les propriétaires se laisseraient voler de si précieuses richesses. D’ailleurs, ces troupeaux étaient, pour la plupart, enfermés dans des étables. je veux dire protégés par des pavillons de terre bâtis sur l’écorce de l’arbre nourricier et où on ne pénètre que par une étroite ouverture.

Aristote répondit à nos sollicitations par un exposé de ces graves difficultés. Elle prétendait que chaque puceron enlevé coûterait la vie à neuf ou dix d’entre nous. Dans ces conditions, l’expédition était une pure folie.

Mais nous devenions folles, en effet.

Les grands défauts de la fourmi sont la gourmandise et la colère, surtout une sorte de colère d’orgueil, la rage devant l’obstacle qui demeure invincible d’inertie et comme railleur, l’irritation