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fallait surtout du blé et de la chair d’insectes. Mais cette sorte de lait sucré était très apprécié comme gourmandise, il apportait à nos repas un agréable élément de variété et, en somme, nos troupeaux étaient pour nous une richesse non négligeable.

Les insectes qui fournissent cet aliment sont assez nombreux. Parmi eux, les claviger, petits coléoptères aveugles, habitent l’intérieur de la fourmilière. Certaines espèces de pucerons restent aussi sous terre, attachés aux racines. Mais la plupart, pucerons ou galinsectes, vivent sur des feuilles ou des tiges. Et notre richesse pastorale se composait presque uniquement de pucerons des plantains et des marguerites. Après l’orage, les plantes s’étaient relevées peu à peu, mais dépeuplées, pauvres prairies sales et sans troupeaux.

Un jour, une de nos camarades arriva, de loin, courante, hors d’haleine, et ses antennes pendant des heures ne cessèrent de raconter, tantôt à celle-ci, tantôt à celle-là. Elle avait découvert des pucerons que l’orage avait épargnés parce qu’ils habitaient un gros arbre. Mais ils appartenaient à un peuple de fourmis plus petites que les plus petites d’entre nous. Les petites fourmis avaient aperçu notre amie, qui avait eu grand’peine à leur échapper.

Cette nouvelle fut, dès lors, l’unique sujet de conversation. On regrettait vivement que les pucerons découverts ne fussent pas des pucerons libres,