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Mais les envahisseuses font une sortie, s’élancent vers nous. La marche rapide, la tête élevée, les mandibules entr’ouvertes, elles sont formidables. Mon cerveau gauche se rappelle une énorme chienne qui, parce que j’approchais trop de ses petits, se jeta sur moi, poils hérissés et dents menaçantes. J’ai peur. Je regarde Aristote, qui hésite. Et voici, brusque, un éclair qui nous aveugle à moitié, qui rend toute la scène effroyablement infernale, qui arme fantastiquement nos ennemis, qui nous précipite en une fuite effarée.

Nous fuyons et, devant nous, toute la troupe court, panique affolée. Nous nous arrêtons seulement au lieu de la première station, à l’endroit où tout à l’heure nous chantions si vaillamment : « En avant, en avant ! »

Et toujours de nouvelles compatriotes arrivent chargées, veulent continuer leur marche, nous obligent à des explications où, pour dominer notre honte et aussi parce que dans l’éclair tout nous a vraiment paru énorme, nous grandissons ennemis des événements.

La pluie tombe, lourde. Chaque goutte violente est une blessure. Allons-nous rester là sous le déluge qui commence, nous laisser noyer par la prochaine inondation, nous laisser écraser par la chute répétée des gouttes brutales ?

Nous sentons l’inutilité d’une nouvelle attaque en ce moment où tout nous est ennemi. Nous courons,