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— Qu’y a-t-il ? demandai-je.

— Je ne sais pas au juste. Mais il se passe quelque chose d’effrayant.

Elle reprit, après un repos :

— Ne bouge pas… Ne fais pas de bruit…

Les antennes tendues vers le nid, elle aspirait.

— Ne sens-tu rien ? demanda-t-elle.

— Ça sent mauvais.

Ses antennes dirent, furieuses :

— Ça sent l’étrangère !

Au même instant, des fourmis sortaient nombreuses de notre nid, se jetaient sur nous, nous bousculaient, nous faisaient rouler hors du cratère. Nous dûmes fuir précipitamment. Je suis fier de n’avoir pas abandonné mon fardeau dans ma fuite.

L’ennemi ne nous poursuit pas. Nous courons jusqu’à nos premières compagnes. Nous leur expliquons ce qui arrive : pendant notre absence, la cité a été envahie, non point même par des étrangères de notre espèce, mais par des fourmis ignoblement dessinées, à petite tête bête, à pétiole inélégant. (Depuis mon anamorphose, j’ai cherché à identifier nos ennemies de ce jour-là. De balbutiantes comparaisons entre ma vision d’alors et mon examen d’aujourd’hui me chuchotent que ces fourmis devaient appartenir à l’espèce nommée par les formicologues formica rufibarbis). Allions-nous, nous, nobles aphcenogaster barbara, nous laisser exproprier par de viles rufibarbis ?…