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Les grains jonchent le sol, mûrs, sonores. Leur forme allongée et la fente qui d’un côté s’enfonce font sourire ma pensée humaine : ne ressemblent-ils point, les grains précieux, aux pains croustillants qu’on mettait sur ma table ? Tandis que mes mandibules ramassent une graine, la soutiennent, la rapportent au nid, je me sens, à gauche, un homme du peuple qui marche heureux, sa bonne miche sous le bras. En peu d’heures, ce travail facile est achevé ; plus rien à glaner dans le petit champ. Courons à un autre domaine.

Les grains, ici, ne sont pas encore tombés. M faut les cueillir, là-haut, au sommet des tiges. Mais ils sont bien mûrs, prêts à s’échapper. Cueillette facile et amusante. J’ai grimpé jusqu’à un épi. Mes pâlies entr’ouvrent l’enveloppe de chaque graine, et mes mandibules tirent le grain, le font tomber. Au pied de la grande tige secouée par le vent où je travaille comme on joue, mes amies recueillent les bonnes choses que je lance, les emportent à la maison où j’en retrouverai ma part fortifiante. Ma pensée gauche sourit encore : je suis un enfant dans un arbre fruitier et je jette à des camarades de gros fruits joyeux. Ou encore je suis une petite fille qui égrène des perles souriantes.

Le plaisant travail dure quelques jours. Puis glanage et cueillette n’offrent plus rien. Il faut aborder la véritable moisson. Les grains, moins mûrs, adhèrent fortement à leur enveloppe. Chacun