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s’y repose en sûreté. Est-on poursuivie par un ennemi, on s’y réfugie, cachée, introuvable, ou tout au moins protégée par les murs, pouvant attendre du secours ou, pour la fuite, les forces revenues, une seconde d’inattention de l’assiégeant. On s’y abrite en cas d’orage. On peut y passer la nuit, si on s’est trop attardée. Le soir on y entrepose le produit d’une récolte ou d’une chasse qu’on viendra reprendre le lendemain, transporter à loisir.

Voici les routes en état, bien défrichées, les vieux tunnels déblayés, les anciennes voûtes et les anciens refuges réparés. Tout est prêt pour le grand labeur. On attend en une sorte de joie inquiète, on passe de longues heures à examiner l’état de maturité des grains.

Enfin venue l’époque fatigante et heureuse de la moisson. Au travail ! au travail !

Dès le matin, sentes, chemins et routes sont noirs de monde. D’un côté, la colonne rapide de celles qui, libres de leurs mouvements, courent à la besogne. De l’autre côté, plus lent mais aussi joyeux, le retour chargé.

Paresseuse, éveillée seulement au brouhaha des premiers départs, je suis sortie du nid, lentement, pensive, un peu triste. Mais l’activité de mes amies me fait honte, m’excite. Je cours moi aussi à la moisson, mon mal bercé, endormi par le rythme laborieux.