Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/112

Cette page n’a pas encore été corrigée

regarde le bourreau et son corps, en un long tremblement, grelotta d’involontaires musiques résignées.

Je la portais doucement, soigneusement. Le grelottement stridulent redevint étonné.

Arriva l’instant critique. Je m’arrêtai, embarrassée. À droite, le cimetière, où beaucoup des nôtres étaient allées transporter le cadavre d’une vieille ouvrière. À gauche, une grosse bande de travailleuses, parmi lesquelles Aristote.

Si nous dépassions ces deux dangers, ma protégée serait à peu près.sauvée. Mais ils étaient si rapprochés, ils étranglaient en un si étroit espace l’espoir.

Je songeai bien à m’éloigner de tous les deux, en tournant l’un ou l’autre. Ce serait si long, si hérissé d’inconnu, de surprises, de périls ! Et puis, quand on est chargée et qu’on ne va pas droit devant soi, il est si difficile de se diriger !

Je ne vis qu’un parti sage : nous glisser entre les deux bandes, en nous éloignant davantage du cimetière, plus dangereux. Si nous nous heurtions à l’autre troupe, Aristote comprendrait mes raisons, tout au moins céderait à mes prières, et personne ne se révolterait contre son autorité.

L’inertie, l’indifférence, l’étonnement méfiant de ma protégée rendait la marche lente et difficile. Un instant je m’arrêtai, tremblante. Je regardai du côté d’Aristote. À demi dressée sur les pattes de