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de l’agonie, l’immobilité farouche que le baiser même ne ferait plus frémir.

Le baiser ! le baiser je veux encore goûter le baiser. Quelle force nerveuse me secoue, me relève, me dégare ! Je suis presque derrière mon ennemie.

Rapide comme la mort subite, je chevauche sur elle et mes mandibules serrent son dos. Déjà je suis ivre de victoire. Le long– bonheur qu’éprouvent mes tenailles vivantes en remontant, d’un mouvement régulier, au cou de celle qui faillit me tuer, qui faillit me séparer pour jamais des caresses féminines ! Avec la joie délirante qui me soulèverait en frappant un rival d’amour, je serre le misérable cou entre mes crocs. Déjà la chaîne nerveuse est coupée ; déjà toute résistance est morte. Le triomphe ne me suffit pas. Il me faut, entre mes membres heureux, des tressaillements d’agonie. Je continue à serrer. Mes mandibules se rapprochent dans les chairs saignantes, se touchent. La tête coupée tombe devant moi.

Mes amies accourent avec des chants orgueilleux. La troupe hostile disparaît, rapide et furtive comme la honte.