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nous avançons avec une lenteur qui guette. Tout à coup elle s’élance sur moi, bond terrible, et, chute d’effroi, essaie de me saisir aux thorax. J’ai bondi en même temps et nos mandibules se sont heurtées, se sont froissées comme quatre épées aux mains de deux violents combattants.

Elle recule pour prendre du champ, s’élancer de nouveau. Je ne lui laisse pas le temps d’une nouvelle attaque. Je me jette sur elle en une fougue. Mes mandibules, vigoureusses assaillantes aux feintes promptes, aux promptes attaques, se heurtent à ses mandibules rapides, toujours à la parade.

J’entends derrière moi les musiques encourageantes, grisantes, de mes amies. De l’autre côté viennent des harmonies sauvages qui me grisent aussi, qui me grisent d’irritation.

Une colère nous agite l’une et l’autre. Nos mandibules se frappent furieuses de ne pouvoir atteindre le corps. Nous avançons, nous nous dressons ; nos pattes antérieures se saisissent, se mêlent indénouablement. Nous nous étreignons, nous tombons, horrible emmêlement ; nous nous roulons à terre. Hélas ! je suis dessous. Finis pour mes yeux, les spectacles riches ou pauvres ; finis pour mon corps, les baisers âpres et les tendres caresses. Émotions de l’amour, mon âme ne vous retrouvera plus. L’aiguillon va me percer ; le venin va me pénétrer de sa brûlure. Voici, après les jactitations