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et mes antennes, leur rendait graduellement la faculté de se mouvoir. Quand je fis mes premiers pas, ses mandibules, entourant mon thorax comme des bras, me portaient à demi.

Combien de fois et avec quelle émotion nous nous sommes rappelé cette époque ! Combien de fois je me suis fait dire le détail de mes funérailles, la tristesse d’Aristote, sa lenteur à me quitter, l’impossibilité qu’elle éprouvait à s’éloigner et ce quelque chose qui lui affirmait que je vivais encore ! Ses camarades étaient tentées de railler, quand elle était revenue vers moi demander à la morte de manifester sa vie.

Elle ne tarissait pas sur son tremblement d’angoisse et d’espoir au moment où elle interrogea mon immobilité, la supplia de frissonner le frisson de salut ; sur son débordement de joie quand elle sentit, devina plutôt, le faible frémissement qui lui rendait une amie.

Elle me demandait mes impressions de transportée au cimetière et mes impressions d’abandonnée. Je lui racontais tout ce qui avait ému mon cerveau droit, toutes les fourmis et toutes les nymphes qui avaient encouragé ou écrasé mes antennes, et que les consolatrices lui ressemblaient, avaient sa beauté grave et douce.

Mais le mouvement de mes antennes évitait d’éclairer le cinématographe trop étrange que fut mon cerveau gauche. Je laissais ignorer à Aristote