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selon leur idée. Leur paraître ce qu’ils aiment que l’on soit, et deviner juste leurs rêves d’imbéciles… Etre leur maître à tous et ne savoir qu’en faire. Voilà tout, ma foi ! Et, après ce tout, m’ennuyer autant que je le fais, c’est trop fort. »

Auguste, l’un des hommes les plus habiles dans la morale des maîtres, dit sur son lit de mort : « Applaudissez, mes amis, la comédie est finie ».

Est-ce que vous croyez qu’un homme qui, toute sa vie, joue la comédie est un homme libre ? Croyez-vous qu’il soit un individu ? Rien ne fausse notre pensée comme le mensonge à notre pensée. Celui qui essaie d’exprimer exactement, qui essaie de dire sa pensée vraie a beaucoup de peine à ne pas la déformer dans l’expression. Croyez-vous que celui qui s’applique à la déformer dans l’expression ne la déformera pas ensuite dans la réalité ? Croyez-vous que son mensonge ne dévorera pas sa vérité et que son masque ne rongera pas son visage ?

L’individualiste de la volonté de puissance, s’il se joue dans l’abstrait, je ne sais ce qu’il devient, — Nietzsche n’a jamais fait de politique — mais, s’il se joue dans le concret, s’il essaye de vivre sa doctrine, il devient le plus servile des hommes, l’esclave de tous ses esclaves.

Le nietzschéisme ne me satisfait pas puisqu’il me rend moins individu que bien des doctrines qui ne se croient pas individualistes.

Vais-je trouver le salut ou du moins une satisfaction plus grande dans l’épicurisme, dans la doctrine de la volonté de plaisir ?

S’il s’agissait de courir au plaisir dès qu’il se montre,