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sont des méthodes pour se réaliser soi-même. Elles nous donnent sur nous-mêmes un certain pouvoir. Mais nul pouvoir n’existe qui ne s’appuie sur un savoir. Aussi, très divergentes bientôt, les sagesses individualistes partent pourtant d’un même point. Tout individualisme éthique commence par la formule de Socrate : « Connais-toi toi-même ».

Mais ce précepte si individualiste a été entendu en un sens peu individualiste par le plus grand et le plus infidèle des disciples de Socrate.

Dans un des dialogues les plus célèbres de Platon, dans le Ménon, nous voyons Socrate interroger un jeune esclave et, par des questions singulièrement habiles, l’amener à construire un carré double d’un carré donné. Si Socrate avait encore vécu au moment où Platon a écrit le Ménon, il aurait répété comme après le Lysis : « Que de choses ce jeune homme me fait dire auxquelles je n’ai jamais songé ! » Peut-être aurait-il dit plus sévèrement : « Que de choses ce jeune homme me fait dire qui sont tout à fait contraires à ma pensée ! »

Cette façon de faire trouver en lui par l’esclave des choses qui n’ont jamais été en lui, des choses que nous inventons, que nous créons, que nous rêvons, comme des carrés, des mesures de carrés, des diagonales, ce n’est pas ce à quoi songeait Socrate quand il disait : « Connais-toi toi-même ». Malgré la calomnie d’Aristophane, Socrate évite avec soin la métaphysique, le rêve, les nuées. Si Platon donne au « Connais-toi toi-même », le sens qu’on lui voit dans le Ménon, c’est qu’il a une croyance métaphysique singulière. Il s’imagine que, avant cette existence,