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Il vous est peut-être arrivé ou il vous arrivera d’entendre des camarades discuter sur l’individualisme et l’un d’eux prendre le mot dans un sens tellement large que tout le monde serait individualiste. En effet, il ne peut pas y avoir d’individus sans un certain degré d’individualisme ; il ne peut pas y avoir de pensée qui ne contienne un grain d’individualisme. À prendre le mot individualisme dans un sens lâche et vaste, je l’applique à tous les penseurs. Je puis aussi le prendre dans un sens tellement étroit, tellement sévère, tellement absolu, qu’il ne s’applique plus à personne.

Vous avez assisté ou vous assisterez à des discussions où l’un des adversaires vous démontre que tel mot s’applique à tous et à tout, mais l’autre vous prouve qu’il ne s’applique à rien ni à personne. Le mot, quel qu’il soit, peut-être à la fois un point sans étendue ou le rayonnant et fuyant infini.

Un camarade malicieux me démontrerait avec une égale facilité que je ne suis pas individualiste ou que tout le monde est individualiste. Vous entendez bien que ce sont là arguments de polémique. Ce sont des jeux. Mais, très souvent, celui qui joue le jeu s’y prend le premier ; il n’est pas de mauvaise foi ; il est naïf.

Entre le sens si étroit et si pur du mot qu’il n’y a jamais eu d’individualiste et que Diogène peut refuser ce nom même à son maître Antisthène, et le sens large, immense, infini où M. Charles Maurras lui-même devient un individualiste puisqu’il s’exprime autrement que son voisin aussi royaliste que lui, il y a un certain nombre de sens intermédiaires qui sont les seuls intéressants parce que