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pouvons plus définir exactement. Nous savons que, lorsqu’il s’agit du concret, la définition, au lieu d’être au commencement de la science, ne peut venir qu’à la fin de la science. Elle est un résumé au lieu d’être un point de départ. Elle n’est jamais tout à fait adéquate, tout à fait exacte et il serait absurde d’appuyer sur elle des démonstrations.

Je ne vous définirai donc pas l’individualisme. Pour ne pas être tenté, en partant de ma définition, de vous démontrer que ceci est individualiste et que cela ne l’est pas.

Cependant, pour que vous me compreniez et pour que je me comprenne moi-même, il faut indiquer à peu près, entre gens de bonne foi et sans y mettre de malice, ce que j’entends par individualisme. Tout à l’heure, je vous disais que le même mot, suivant les moments, a des sens différents. Je vous donnais l’exemple du mot « homme » où je puis attacher une idée d’admiration ou une idée de mépris suivant que je le prononce pour résumer telle série d’expériences ou telle autre série d’expériences.

Il en est de même de tous les mots. Tous les mots ont, pour chacun de nous, des sens multiples. Ces sens se mêlent, s’embrouillent, se recouvrent comme les cercles que fait l’eau dans laquelle on a jeté une pierre. Cependant, nous pouvons, dans une certaine mesure, dire schématiquement, grossièrement, qu’ils sont concentriques. Si nous allons à la limite comme les mathématiciens, nous donnons à chaque mot un sens tellement large qu’il embrasse l’infini, un sens tellement étroit qu’il ne s’applique plus à rien, et aussi des significations intermédiaires innombrables.