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Si j’affirme, par exemple : « Socrate, Diogène, voilà des hommes », et si je dis, en parlant des dernières saletés de Poincaré et de Clemenceau : « Voilà quelque chose de bien humain », je résume deux séries d’expériences différentes et j’emploie les mots homme ou humain dans deux sens qui ne se ressemblent guère.

Les termes généraux n’ont donc de sens, pour nous, qu’à la condition de résumer une série d’expériences qui est différente chez chacun de nous et qui, chez le même homme est différente suivant les moments ; il y a des heures où telles expériences dominent ma pensée et des heures où ce sont telles autres rencontres. Il y a des moments où, lorsque je dis homme, je songe à mes grands amis de l’histoire, Socrate, Diogène, Épicure, Épictète, Jésus, Spinoza ; et il y a des moments où je dis « homme » comme on vomit et où je songe à quelques-unes des bêtes à pain à quoi je me suis heurté aujourd’hui.

Ainsi, je ne peux pas définir, même pour moi. La définition, disent les logiciens, doit être adéquate, s’appliquer exactement au défini et uniquement au défini. Il m’est impossible de trouver une définition adéquate, même pour moi seul ; une définition qui dise exactement ce que je pense quand je prononce le mot homme. À plus forte raison m’est-il impossible de trouver une définition adéquate pour les autres.

D’autre part les dogmatiques commencent toujours leurs exposés par des définitions ; sur ces définitions, qu’ils prétendent adéquates ou qu’ils demandent d’accepter, ils appuient des discussions précises et des démonstrations qu’ils croient exactes.