Page:Ryner - Des diverses sortes d’individualisme, 1922.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la traduis en termes tout à fait modernes. Peut-être, à une vieille pensée mal connue, connue uniquement à travers des exposés d’ennemis, je mêle un peu de ma pensée.

Puisque l’individu seul est réel et qu’il est indéfinissable, que sera donc ce qu’on pourra définir ? Qu’exprime le terme général ? Lorsque je dis « homme », qu’est-ce que je dis ?

Je résume une certaine série d’expériences ; je résume toutes les rencontres à propos desquelles je me suis dit : « homme ». Mais, ma série d’expériences ne correspond avec celle d’aucun d’entre vous ; aucun d’entre vous n’a rencontré exactement et uniquement les mêmes hommes, dans les mêmes circonstances, dans le même ordre, dans le même état d’esprit. Donc, lorsque je prononce « homme », je dis ma série d’expériences et vous entendez une autre chose : votre propre série d’expériences. Mon idée de l’homme ne coïncide avec l’idée de l’homme d’aucun d’entre vous. Bien plus, lorsque je dis « homme » aujourd’hui, je ne dis pas la même chose que lorsque je disais « homme » hier et que lorsque je dirai « homme » demain. Ma série d’expériences va s’enrichissant et se modifiant tous les jours.

Non seulement un terme général exprime une série d’expériences qui varie pour chacun de nous avec le temps et qui, à plus forte raison, varie entre nous, mais encore le même mot sert dans la même bouche à exprimer des séries d’expériences différentes ; il y a de continuelles équivoques dans notre parole ; je dis dans la parole de ceux qui sont de bonne foi.