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LES .IX. JOIES.

Se toute ma vie i usasse ;
Mais de tes joies, Dame chière,
Ne lairoie que ne contasse.
Li saluz, ce fu la première ;
Dame, lors t’apelas baasse[1].

Ne fus orguilleuze ne fière,
Ainz t’umelias tot à masse.
Por ce vint la haute lumière
En toi qu’ele te vit si basse.
Lors fus aussi com la verrière
Par où li raiz dou soleil passe :
Elle n’est pas por ce mainz entière,
Qu’il ne la perce[2] ne ne quasse[3].

La première fu de tes joies,
Quant ton créatour tu concéuz ;
La seconde fu totes voies[4]

  1. Baasse, servante.
  2. Ms. 7218. Var. Brise.
  3. Cette comparaison de la virginité de la mère de Jésus avec le soleil, qui passe sans la briser au travers d’une verrière (voyez plus haut, page 8), est fréquente chez les poëtes du moyen âge. On la trouve, par exemple, page 49 de mon 1er volume des Mystères inédits, où l’auteur fait dire à saint Paul que le Dieu qu’il prêche est
    Le createur de tout le monde
    Qui d’une vierge pure et monde
    Comme soleil parmy voirrière
    Passe et adès demeure entière,
    Naquit sans peine en Bethléem.
  4. Ms. 7218. Var.
    Droiz est que tes loenges oies :
    Quant tu ton chier fil concéus,
    La seconde fu de tes joies, etc.