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LA PAIZ DE RUTEBEUF.

Et tuit ensuient une trace.
Li povre ami est en espace :
C’il vient à cort, chacuns l’en chace
Par gros moz ou par vitupires.
Li flatères de pute estrace[1]
Fait cui il vuet vuidier la place :
C’il vuet, li mieudres est li pires.

Riches hom qui flateour croit
Fait de légier[2] plus tort que droit,
Et de légier faut[3] à droiture
Quant de légier croit et mescroit.
Fox est qui sor s’amour acroit
Et sages qui entour li dure.
Jamais jor ne metrai ma cure
En fère raison ne mesure
Se n’est[4] por celui qui tot voit ;
Car s’amours est ferme et séure,
Sages est qu’en li s’aséure[5] :
Tuit li autre sunt d’un endroit.

J’avoie un boen ami en France[6] ;
Or l’ai perdu par meschéance.

  1. Estrace, race, origine ; extractio.
  2. De légier, légèrement, facilement ; leviter.
  3. Faut, de faillir, manquer.
  4. Se n’est pour si ce n’est.
  5. Ce vers manque au Ms. 7615.
  6. Comme Rutebeuf dans ses poésies parle de plusieurs grands seigneurs qui le secoururent, il serait assez difficile de désigner celui auquel il fait ici allusion. Peut-être est-ce Louis IX ou son frère le comte de Poitiers ; mais comme rien n'indique que cette pièce ait été composée postérieurement à la mort de l’un ou de l'autre de ces princes, nous croyons devoir prier le lecteur de ne prendre nos paroles que pour une conjecture.