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et elle entretient notre sens de l’émerveillement en montrant des choses familières sous un aspect peu familier.

Outre son utilité pour montrer des possibilités insoupçonnées, la philosophie a une valeur — peut-être sa principale valeur — par la grandeur des objets qu’elle contemple, et par l’absence de buts étroits et personnels qui résulte de cette contemplation. La vie de l’homme instinctif est enfermée dans le cercle de ses intérêts privés : la famille et les amis peuvent en faire partie, mais le monde extérieur n’est pas considéré, sauf dans la mesure où il peut aider ou entraver ce qui entre dans le cercle des désirs instinctifs. Une telle vie a quelque chose de fébrile et d’étriqué, alors que la vie philosophique est calme et libre. Le monde privé des intérêts instinctifs est un petit monde, situé au milieu d’un monde grand et puissant qui doit, tôt ou tard, mettre en ruine notre monde privé. Si nous ne parvenons pas à élargir nos intérêts à l’ensemble du monde extérieur, nous restons comme une garnison dans une forteresse assiégée, sachant que l’ennemi nous empêche de fuir et que la capitulation finale