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ridicule que le sens que l’on donne à ce mot. Clinias : Et quelles sont, ô Étranger, ces nécessités de la connaissance, divines et non humaines ? L’Athénien : ce sont de ces choses sans la connaissance ou l’usage desquelles un homme ne saurait devenir un Dieu pour le monde, ou un esprit, ou même un héros, et ne saurait véritablement penser ou aimer les hommes » (Les Lois, p. 818)[1].

C’est ainsi que Platon jugeait les mathématiques. Mais les mathématiciens ne lisent pas Platon, et ceux qui lisent Platon ignorent les mathématiques et considèrent son opinion à ce sujet tout simplement comme une étrange aberration.

Les mathématiques, à les bien comprendre, possèdent non seulement la vérité, mais la suprême beauté — une beauté froide et austère, comme celle de la sculpture, qui ne s’adresse en aucune façon à notre nature inférieure, dépouillée des atours magnifiques de la peinture et de la musique, et susceptible d’une perfection sévère que seul connaît l’art le plus élevé. Le véritable esprit de joie, l’exaltation, le sentiment d’être plus qu’un homme, qui est la pierre de touche de l’excellence la plus haute, se trouvent dans les mathématiques comme dans la poésie. Ce qu’il y a de meilleur dans les

  1. Ce passage m’a été signalé par le Professeur Gilbert Murray.