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besoin est, hélas ! si peu satisfait, qu’il paraît même absurde d’en faire mention. De grands hommes, pleinement conscients de la beauté des contemplations auxquelles leur vie est consacrée, désireux de faire partager leurs jouissances à d’autres hommes, persuadent le monde d’instruire les générations dans la connaissance mécanique sans laquelle on n’en saurait passer le seuil. Des pédants desséchés se prévalent du privilège d’inculquer ces connaissances : ils oublient qu’elles doivent seulement servir de clef pour ouvrir les portes du temple ; tout en passant leur vie sur les marches qui montent vers les portes sacrées, ils tournent le dos au temple et en oublient l’existence ; et le jeune homme ardent qui brûle de connaître ses dômes et ses arches est prié de revenir en arrière et d’en compter les marches.

Plus encore peut-être que les études grecques et latines, les mathématiques ont souffert de cet oubli du rang qui leur est dû dans la civilisation. La tradition a pu décréter que la grande majorité des hommes instruits connaîtraient au moins les éléments de cette science, on a oublié les raisons qui ont fait naître la tradition, enterrées qu’elles sont sous un gros rebut de pédanteries et de banalités. Ceux qui demandent le but des mathématiques se voient répondre d’ordinaire qu’elles facilitent la construction des machines, les voyages, et les vic-